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https://www.elle.fr/Elle-a-Table/Les-dossiers-de-la-redaction/Dossier-de-la-redac/Produits-italiens-Alessandra-PieriniParole d’experte : 9 produits italiens conseillés par Alessandra PieriniPublié le 28 juin 2021
Depuis onze ans, Alessandra Pierini tient l’épicerie fine italienne la plus courue de Paris : Rap.
Cette experte nous a ouvert les portes de sa caverne d’Ali Baba pour nous présenter quelques-uns de ses produits cultes et nous confier la meilleure façon de les accommoder.
« Je n’ai pas vu le temps passer.
Si l’on m’avait dit il y a dix ans que je tiendrais toujours cette épicerie aujourd’hui… »
Assise sur un chariot à roulettes transformé en banquette le temps de l’interview, Alessandra Pierini suspend sa phrase.
Comme si elle n’y croyait pas elle-même.
Puis reprend, avec son accent ligurien aussi doux qu’une cuillère de crème de pistache de Bronte : « Je suis arrivée de Gênes en 1987.
J’ai atterri d’abord à Aix-en-Provence.
Puis, en 1992, j’ai ouvert Pasta e Dolce, ma première épicerie à Marseille.
En juin 2010, j’ai vendu et, en septembre de la même année, j’ai inauguré Rap à Paris.
Derrière l’église Notre-Dame-de-Lorette, au pied de la très vivante rue des Martyrs, cette épicerie fine transalpine ne désemplit pas.
On vient y dénicher un produit bien précis, ou juste admirer les grandes étagères de pâtes artisanales d’exception, de riz à risotto vialone nano, d’anchois, de câpres, de polenta, de pesto en tout genre, de poudre de fenouil, d’huiles d’olive, de vinaigres balsamiques, mais aussi de pâtes à tartiner aux noisettes du Piémont, de chocolat de Modica…
En vedette, la sélection de jambons de la Botte, à commencer par le fameux prosciutto di Parma.
Les amateurs éclairés de fromages prisent aussi l’adresse pour ses classiques : gorgonzola, scamorza, taleggio, ricotta fumée, pecorino ou encore parmesan, à déguster avec de la mostarda (fruits confits à l’essence de moutarde).
« Ici, il y a du monde toute la journée, il n’y a jamais de pause.
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime beaucoup ce quartier du 9e arrondissement.
Les clients sont curieux, ils s’intéressent aux produits, ils posent beaucoup de questions. »
Aussi passionnée que pédagogue, on pourrait écouter Alessandra Pierini pendant des heures.
Pas étonnant qu’elle intervienne régulièrement à la radio, dans l’émission « On va déguster » sur France Inter.
Multi-casquette, l’épicière est aussi auteur à ses heures perdues.
Fidèle des éditions de l’Épure, elle publie des petits guides de recettes autour d’un produit dans la collection « Dix façons de le préparer », dont deux nouveaux opus : le fenouil (sorti en avril) et la sauge (sortie prévue août).
« J’adore ce format, car il me permet d’aller à fond dans un sujet, je décortique tout de A à Z.
J’apprécie aussi la partie recettes.
J’en choisis toujours une vingtaine, je les teste à l’épicerie, je fais tout goûter à mes employés.
Du coup, maintenant, l’équipe me demande souvent si je vais bientôt écrire un nouveau livre ! » confie-t-elle dans un éclat de rire.
Car Alessandra ne cultive pas seulement un savoir encyclopédique sur les meilleurs produits transalpins.
Elle est également co-auteur du livre « On va déguster l’Italie » (aux éditions Marabout), best-seller du moment.
Elle partage aussi son énergie et sa bonne humeur.
Entrez, vous verrez, on repart toujours de chez Rap plus heureux qu’en y entrant.
Rap
4, rue Fléchier
75 009 Paris
Tél : 01 42 80 09 91
rapparis.fr
Toutes les recettes sont pour 4 personnes.
LA POUTARGUE DE THON
C’est quoi ?
Ce produit est fabriqué de la même façon que la poutargue classique, à base d’œufs de mulet.
Ce sont juste des oeufs de thon salés, puis séchés au soleil.
Cependant, la bottarga di tonno est plus relevée et plus forte en goût marin.
Les Siciliens la coupent en tranches qu’ils disposent ensuite sur des tartines de pain beurré, ils la râpent sur des pâtes, dans une salade ou encore sur un carpaccio de poisson. J’ai découvert aussi que la bottarga se mariait très bien avec les artichauts et les asperges.
La majorité de la production est en Sicile et c’est là-bas que l’on en mange le plus.
J’en fais quoi ? Une mousse de ricotta, poutargue, menthe et fenouil sauvage
Dans un bol, mélangez 200 g de ricotta fraîche avec 40 g de poutargue râpée très finement, les zestes d’un citron bio et 6 feuilles de menthe finement ciselées. Mélangez, salez, poivrez.
Étalez la préparation sur de fines tranches de fenouil sauvage, ou bien sur une focaccia encore tiède.
LA RICOTTA SÉCHÉE ET FUMÉE
C’est quoi ?
Il y a trois fromages emblématiques de la cuisine italienne : le parmigiano reggiano (dans le nord de l’Italie et le Centre), le pecorino romano (dans le Latium) et la ricotta salata, c’est-à-dire la ricotta salée et séchée (dans le sud du pays).
On la trouve généralement au lait de brebis, en version nature ou fumée.
Le plus souvent, elle est présentée sous forme de pyramide de 200 ou 300 g.
Elle se râpe en gros copeaux sur une entrée ou sur des pâtes, notamment une recette sicilienne des plus appréciées, la pasta alla norma (sauce tomate, aubergine frite et ricotta fumée).
J’en fais quoi ? Une omelette aux asperges vertes et ricotta séchée fumée
Lavez 5 asperges vertes et coupez-les en tronçons d’environ 2 cm.
Faites-les revenir à l’huile d’olive quelques minutes dans une poêle.
Dans un bol, battez 5 oeufs, salez, poivrez.
Ajoutez les asperges grillées, puis versez la préparation dans une poêle chaude.
Avec une spatule, ramenez le liquide des bords vers le centre, laissez cuire jusqu’à ce que l’omelette soit baveuse.
Dressez-la sur un plat, puis râpez de gros copeaux de ricotta séchée fumée.
Décorez avec quelques branches d’estragon frais.
LES CÂPRES AU SEL
C’est quoi ?
Un produit qui m’accompagne depuis toujours !
J’en mets partout, que ce soit avec le poisson, la viande, des pommes de terre, dans les pâtes, bien sûr, dans des salades… et même en dessert.
Mes préférées sont les câpres au sel parce qu’il leur permet de garder leur arôme et ce goût exceptionnel, à la fois végétal et amer.
J’en fais quoi ? Un pesto de câpres aux olives
Versez 1 bocal de câpres au sel de 500 g dans un bol d’eau froide et laissez-les tremper 20 mn.
Répétez l’opération deux fois en changeant l’eau, de manière à les dessaler au maximum.
Égouttez-les, puis hachez-les grossièrement.
Privilégiez un hachoir manuel, c’est le meilleur ustensile car on peut maîtriser la taille.
Hachez 300 g d’olives vertes, 1 gousse d’ail pelée, 3 tomates séchées et 3 tomates datterino fraîches ou des tomates-cerises classiques.
Ajoutez à la préparation 1 c. à café d’origan séché, des zestes de citron vert bio, 1 c.à café d’huile d’olive.
Mélangez le tout.
Arrosez d’un filet d’huile d’olive si besoin.
Ce pesto de câpres est parfait sur du pain grillé ou sur des bruschette.
LA COLATURA
C’est quoi ?
On en trouve beaucoup dans la région de Naples.
C’est une sorte de condiment ou exhausteur de goût à base d’anchois qui ont fermenté entre 6 et 9 mois.
Celle que je préfère, c’est celle qui va jusqu’à 24 mois car son processus de fermentation est terminé, les goûts sont bien arrondis, complexes, aboutis.
C’est ce goût umami que j’adore et qui relève tous les autres.
C’est idéal avec une poêlée de poivrons, des pâtes à la tomate à l’huile d’olive, ou avec du fenouil.
J’en fais quoi ? Un carpaccio de cédrat et fenouil, colatura
Coupez une dizaine de tranches de fenouil à la mandoline.
Réservez les fanes.
Faites de même avec 1 cédrat bio (si vous ne trouvez pas de cédrat, prenez 1 citron corse bio ou 1 citron de Menton bio).
Dans un bol, mélangez 1 c. à soupe de colatura avec 1 c. à soupe d’huile d’olive.
Disposez joliment le fenouil et le cédrat sur une assiette, versez délicatement et de manière homogène le mélange colatura-huile d'olive.
Décorez avec les fanes de fenouil, 1 poignée de raisins secs, 1 poignée de noisettes concassées et 1 piment frais finement émincé.
IL GUANCIALE
C’est quoi ?
Méconnu des Français, le guanciale est un morceau très gras — et donc très goûteux — qui correspond à la joue du porc.
On l’utilise généralement dans les pâtes, surtout les recettes d’origine romaine, type carbonara ou all’amatriciana.
Ces dernières années, il a acquis une grande popularité jusqu’à devenir l’une des charcuteries les plus vendues en Italie avec la mortadella et le jambon de Parme.
Pour moi, le guanciale est plus intéressant que la pancetta (poitrine de porc roulée et séchée) car c’est un gras plus dense, plus compact, plus tassé.
Ce qui est normal, car la joue de cochon est un muscle.
J’en fais quoi ? Des pommes de terre, guanciale et hachis d’herbes fraîches
Épluchez, puis faites cuire à l’eau 1 kg de petites pommes de terre, type charlotte.
Égouttez-les et coupez-les en tronçons d’environ 2 cm d’épaisseur.
Coupez en tranches très fines 300 g de guanciale.
Déposez-les sur une plaque et enfournez 10 mn à 180 /th. 6. Le but est de les sécher, mais pas d’en faire des chips.
Préparez un hachis d’herbes fraîches avec du romarin et de la sauge, par exemple.
Rangez les tronçons de pommes de terre dans un plat, déposez délicatement les tranches de guanciale dessus, puis parsemez d’herbes fraîches.
IL PANE CARASAU
C’est quoi ?
Le pain que les bergers sardes emmenaient dans leur sac à dos quand ils partaient en transhumance.
Ils le mouillaient dans l’eau des rivières pour le transformer en une sorte de crêpe qu’ils garnissaient ensuite avec des tomates, du fromage, etc.
On l’appelle aussi « carta musica » en Italie, car ses feuilles sont très fines, presque transparentes, comme du papier à musique.
Ces grandes galettes rondes sont faites à partir de semoule de blé dur, d’eau et de sel.
Elles cuisent une première fois, ce qui permet à la pâte de gonfler, puis une deuxième fois pour dorer et croustiller.
J’en fais quoi ? Une pizza carasau
Passez 2 feuilles de pain carasau sous l’eau juste pour les imbiber.
Tapissez le fond d’un plat à pizza avec le pain.
Ajoutez 1 feuille si vous estimez que la base n’est pas assez solide.
Coupez 100 g de tomates-cerises et 1 mozzarella de 150 g en cubes.
Découpez de fines lamelles de poivron, puis faites-les revenir à l’huile d’olive pendant 10 mn.
Ajoutez le poivron rôti à la préparation tomate-mozza, salez, poivrez et ajoutez 4 à 5 olives noires non dénoyautées.
Etalez la préparation sur la pâte, arrosez d’un filet d’huile d’olive, puis enfournez à 180°/th. 6 pendant 10 à 15 mn.
A la sortie du four, décorez la pizza avec des feuilles de basilic frais.
LA MOSTARDA DI FRUTTA
C’est quoi ?
C’est un condiment typique de Lombardie et de Vénétie.
Il s’agit de fruits confits à la moutarde présentés dans des bocaux où le sucre prend toute la place de l’eau.
Trois consistances différentes existent : soit le fruit est entier, soit réduit en pulpe, soit les deux.
Pendant que les fruits confisent avec le sucre, les Italiens ajoutent de l’essence de moutarde.
D’où le léger goût piquant.
Ils en consomment en petite quantité avec des fromages très secs, de la charcuterie ou alors dans des farces à ravioli.
J’en fais quoi ? Des chaussons frits, cream cheese et mostarda
Préparez une pâte brisée : mélangez 300 g de farine et 1 pincée de sel.
Ajoutez 150 g de beurre mou en dés, pétrissez en ajoutant 10 cl d’eau au fur et à mesure.
Formez une boule, puis réservez pendant 1 h au frais.
Dans un bol, mélangez 2 c. à soupe de cream cheese et 2 c. à café de mostarda écrasée.
Abaissez la pâte, puis découpez dedans des cercles à l’aide d’un emporte-pièce.
Garnissez-les d’une bonne cuillère de farce, puis repliez-les sur eux-mêmes, de manière à former un petit chausson.
Faites chauffer un grand volume d’huile neutre, et faites-les frire 2 à 3 mn.
Egouttez les chaussons sur du papier absorbant pour enlever l’excès d’huile, puis saupoudrez-les avec de la cannelle ou du sucre glace.
Dégustez tiède.
LA NDUJA CALABRESE
C’est quoi ?
Originaire de Calabre, la nduja est une charcuterie paysanne réalisée à partir de bas morceaux du cochon d’abord hachés, pressés, puis pimentés.
Il faut savoir que la Calabre est LA patrie du piment.
On en trouve partout, dans les plats, les conserves, les salaisons et surtout dans cette nduja, qui est en fait un saucisson piquant.
On l’utilise généralement pour relever une sauce tomate dans un plat de viande, des oeufs brouillés, ou parfois juste tartinée sur du pain grillé.
J’en fais quoi ? Des polpette alla nduja
Déchirez à la main 1/2 baguette de pain rassis et disposez-le dans un cul-de-poule.
Ajoutez 50 g de nduja, 50 g de pecorino râpé, 3 oeufs, 1 gousse d’ail finement hachée et un petit bouquet de persil frais haché.
Malaxez le tout à la main, puis formez des boulettes de la taille d’une grosse noix.
Dans une poêle à bords hauts, faites revenir 2 c. à soupe de sauce tomate, déposez les boulettes et laissez-les cuire 10 à 15 mn.
IL CIOCCOLATO IGP DI MODICA
C’est quoi ?
Un chocolat noir artisanal, fabriqué uniquement à Modica, en Sicile, dans lequel il n’y a aucune matière grasse ajoutée.
C’est juste du cacao (entre 60 et 85 %) et du sucre.
Traditionnellement, il est associé à des épices, comme le faisaient les Aztèques, qui mélangeaient toujours le cacao avec de la cannelle, du piment et de la vanille.
L’IGP de Modica est fabriquée à l’ancienne, c’est-à-dire froid : la température ne dépasse jamais les 45°C donc le chocolat ne devient pas crémeux et le sucre ne fond pas complètement, il reste en tout petits cristaux.
A Modica, on plonge de gros morceaux de ce chocolat dans du lait bouillant pour faire du vrai chocolat chaud.
On le met aussi dans des empanatici, des petits biscuits salés à la viande de boeuf.
Néanmoins, on l‘utilise quand même le plus souvent en épice ou en condiment.
J’en fais quoi ? Des copeaux sur une glace
Il se marie très bien avec des glaces laiteuses ou bien des glaces aux fruits rouges.
Le mieux, c’est avec une glace à la fior di latte de bonne facture, désormais on en trouve facilement.
Râpez juste dessus d’épais copeaux de chocolat et dégustez.