L'avis de Larry Hodgson sur le sujet.
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ICI sur jardinier paresseuxDes tomates à l’envers… d’accord, mais pourquoi?
Par : Larry Hodgson
16 mai 2017Oui, on peut cultiver des tomates à l’envers, avec les racines vers le haut et les tiges, feuilles, fleurs et fruits vers le bas.
Il existe des systèmes commerciaux — essentiellement un pot avec un trou dans le fond — spécifiquement destinés à cette culture, mais il est facile de convertir un simple seau de plastique en pot pour tomates suspendues.
Tout cela est bien possible et n’est même pas surprenant.
Toute plante inversée, disons par un glissement de terrain, essaiera de survivre.
En inversant un plant de tomate, on ne fait que provoquer cette même tentative de survie.
La question que je me pose toutefois est: pourquoi?
Qu’est-ce qu’il a de si intéressant à cultiver une tomate dans un pot inversé?
D’accord, il y a la curiosité.
Cultiver une plante à l’envers peut être un projet intéressant pour un groupe d’écoliers, par exemple.
Ou pour un adulte, comme expérience à faire une fois.
Mais autrement, quand on regarde attentivement les avantages proposés, on découvre qu’ils ne tiennent pas vraiment la route.
Tel que vu à la télé!
Oui, cet avis paraît sur plusieurs annonces, mais depuis quand est-ce qu’un produit qui paraît à la télévision est nécessairement supérieur à un produit qui n’y paraît pas?
Personnellement, quand je vois cette mention, j’ai tendance à me méfier du produit plutôt qu’à y faire confiance!
De faux avantagesLes vendeurs de ces pots prétendent qu’un plant de tomate cultivé à l’envers aura certains avantages.
Peut-être, mais notez que les avantages suivants, souvent cités, s’appliquent aussi à toute tomate cultivée en pot comparativement à une plante cultivée en pleine terre.
La plante n’a pas besoin de pousser à l’envers pour être :
Un excellent choix pour les jardins à l’espace réduit;
Libre de mauvaises herbes;
Libre de vers gris et d’autres insectes du sol;
Moins sujette aux maladies du sol;
Facile à installer presque n’importe où;
Facile à entrer rapidement à l’abri en cas de gel;
Plus productif dans les régions froides puisque le pot est chauffé par le soleil;
Simple à cultiver sur un balcon ou un patio.
Placez un pot de tomates debout sur une terrasse ou balcon ensoleillé et les mêmes avantages s’appliquent.
Il y a même un vendeur qui soutient que son pot vous garantit des tomates biologiques!
Évidemment, une plante cultivée à l’envers n’est pas «plus biologique» qu’une plante cultivée à l’endroit.
Elle sera biologique seulement si vous n’utilisez pas de pesticide ou d’engrais de synthèse pour la cultiver et cela n’a rien à voir avec son orientation.
Le pourCertaines affirmations des vendeurs sont pourtant plus honnêtes.
- C’est bien vrai que la plante inversée n’aura pas besoin de tuteur ou de cage à tomates… mais est-ce que cela est vraiment un problème majeur?
- La plante occupera un peu moins d’espace, car même si elle essaie de pousser latéralement, le poids de tiges les attirera éventuellement vers le bas, assurant un port plus étroit.
Par contre, une tomate sur tuteur aussi occupe peu d’espace latéral.
Le contreCe qu’on ne vous dit pas est que:
- Installer la plante dans son pot inversé demande un certain doigté.
Il est fréquent que le jardinier casse la tige du plant en essayant de le placer;
- Le contenant, une fois rempli de terre, pèsera très lourd (environ 23 kilogrammes/50 livres pour la plupart des modèles) et sera alors difficile à hisser à sa place ou à déplacer.
Et un tel poids risque d’endommager la structure qui soutient le pot.
Certainement, il faudrait un crochet très résistant et très solidement fixé;
- Les tomates produiront moins de fleurs et donc moins de fruits quand elles poussent à l’envers.
C’est le cas pour presque toutes les plantes.
Les hormones qui stimulent la floraison s’accumulent dans les tiges dressées et diminuent dans les tiges retombantes.
Vous verrez d’ailleurs que les fleurs ne se forment que sur les tiges qui réussissent à se redresser, du moins temporairement; une tige qui pend lâchement ne produira ni fleurs ni fruits.
D’ailleurs, vous verrez tout l’été comme la plante essaie encore et encore de se redresser, avec des tiges qui tentent vainement de pousser vers le haut, mais éventuellement leur poids finit par les entraîner vers le bas;
- La plante, étant suspendue sous un pot qui jette de l’ombre, ne reçoit pas autant de soleil qu’une plante dressée quand ce dernier est au zénith;
- Le coût initial du pot fait que les tomates produites coûtent cher.
Comme les plantes cultivées à l’envers produisent moins, jamais que vous ne récupérerez cet investissement;
- L’arrosage est plus complexe en pot inversé.
Souvent, les gens arrosent moins qu’ils ne le devraient pour que l’eau et le terreau ne tombent pas sur les fruits, en transportant des maladies, ou salissent le plancher. Ainsi beaucoup de modèles modernes comprennent un système d’irrigation semi-automatisé pour assurer que l’eau arrive à la plante goutte à goutte grâce à un réservoir d’eau;
- Il y a un risque pour le jardinier de se blesser, car la plupart auront besoin de monter sur un marchepied ou escabeau pour arroser avec, de plus, un arrosoir lourd à la main;
- Il faut limiter son choix de plant de tomate à une variété déterminée, moins productive qu’une tomate indéterminée, car ces dernières produisent des tiges trop longues. (Voir le Petit glossaire du semeur néophyte pour comprendre le sens de «déterminé» et «indéterminé».)
Quelques affirmations totalement faussesUne annonce que j’ai vue indiquait le suivant: «L’eau et les nutriments coulent directement de la racine au fruit, donnant des tomates de meilleur goût et plus grosses.»
Le même fabricant annonçait ailleurs que c’était la force de gravité qui «tire» les minéraux des racines vers les fruits.
Évidemment, pour quelqu’un qui comprend le moindrement la circulation de sève dans les plantes, cela est du plus grand ridicule.
Ce n’est pas du tout par gravité que l’eau et les minéraux circulent dans une plante.
Quant aux «tomates de meilleur goût et plus grosses», ça aussi relève de la pure fantaisie.
Le positionnement du fruit ne change rien à sa taille ni à son goût.
Notez que l’annonce citée paraît sur le site Web d’un fabricant chinois: peut-être que les lois sur la protection des consommateurs y sont moins rigoureux qu’en Occident?Rien de nouveauSi vous pensez que ces pots inversés sont une idée du dernier cri, vous vous trompez. On expérimente avec la culture des plantes à l’envers depuis l’époque des jardins suspendus du Babylone il y a plus de 2000 ans. De tels pots sont offerts commercialement depuis fort longtemps aussi, probablement au moins 30 ans. Une compagnie prétend avoir vendu plus de 10 millions de ces pots et cela ne se fait pas du jour au lendemain.
La plupart des jardiniers qui achètent un tel pot sont très enthousiastes au début et prêts à le recommander à tout passant. Si vous revenez trois ans plus tard, vous verrez généralement qu’ils ont abandonné cette culture et que le pot, maintenant bien rangé, ne servira plus jamais.
La tomate qui pousse à l’envers: beaucoup de bruit pour rien!
Journaliste et blogueur horticole, auteur de 65 livres de jardinage, conférencier et vulgarisateur hors pair, le jardinier paresseux, Larry Hodgson, nous a quitté en octobre 2022.
Reconnu pour sa grande générosité, sa rigueur et son sens de l'humour, il a touché plusieurs générations de jardiniers amateurs et professionnels pendant 40 ans de carrière.
Grâce à son fils, Mathieu Hodgson, et une équipe de collaborateurs, le blogue continuera sa mission.
Le blogue le jardinier paresseux offre plus de 2800 billets aux amateurs de jardinage, toujours dans le but de démystifier le jardinage et le rendre plus facile aux participants.
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