source
ICI sur Science et vieComment un champignon inoffensif, présent dans nos jardins, se transforme en un prédateur carnivore redoutable
PUBLIÉ LE 25 NOV 2023
PAR LAURIE HENRY
La capacité d’un champignon à se transformer en prédateur révèle une facette inattendue du monde fongique.
Face à une carence en nitrogène, cet être vivant adopte une stratégie de chasse active, capturant et digérant des nématodes.
Cette adaptation exceptionnelle met en lumière la complexité des mécanismes de survie chez les champignons et enrichit notre compréhension des interactions écologiques, soulignant l'importance de la biodiversité et des dynamiques environnementales.
Dans le monde mystérieux des champignons, une découverte révolutionnaire a été faite.
Arthrobotrys oligospora, capable de se transformer en prédateur pour survivre, marque un tournant dans notre compréhension des mécanismes d’adaptation dans le règne fongique.
Cette étude, menée par une équipe internationale de chercheurs et dirigée par le biologiste moléculaire Hung-Che Lin de l’Academia Sinica à Taipei, révèle comment ce champignon commun dans les sols de jardin devient un redoutable prédateur.
Il peut passer d’une alimentation basée sur la matière organique morte à la chasse active de nématodes en réponse à un manque de nutriments.
Ce phénomène soulève des questions importantes sur les interactions écologiques et les stratégies de survie au sein des écosystèmes terrestres.
Les travaux de l’équipe sont publiés dans la revue PLOS Biology.
Un champignon, un chasseur insoupçonné dans nos jardins
Arthrobotrys oligospora, un champignon couramment retrouvé dans les sols de nos jardins, présente une caractéristique biologique fascinante. En temps normal, cet être vivant se nourrit de manière saprophytique.
Il décompose et absorbe les nutriments de la matière organique déjà morte.
Il joue de fait un rôle clé dans le cycle des nutriments de l’écosystème.
Cependant, lorsque les sources de nitrogène, essentielles à sa croissance et à son développement, deviennent insuffisantes, Arthrobotrys oligospora dévoile une autre facette de son existence.
Dans ces conditions de pénurie, le champignon active un mécanisme de survie extraordinaire.
Il se transforme en un prédateur efficace, changeant radicalement de stratégie alimentaire.
Cette métamorphose est déclenchée par le besoin de compenser le manque de nitrogène.
Il faut savoir que c’est un élément crucial pour la synthèse des protéines et d’autres composés vitaux.
Le champignon déploie alors des structures spécialisées, semblables à des pièges, pour capturer des nématodes.
Ces derniers sont de petits vers qui abondent dans le sol.
Cette capacité à basculer d’un état passif, où il se contente de décomposer la matière organique, à un état actif de chasseur, est un exemple remarquable de l’adaptabilité et de la complexité des stratégies de survie dans le règne fongique.
Les scientifiques connaissent les capacités de chasse d’Arthrobotrys oligospora depuis au moins les années 1980, mais le mécanisme restait flou.
>> À lire aussi : Une équipe de recherche découvre comment les champignons ont mis au point un ingénieux système qui leur permet de vivre des centaines d’années sans développer le moindre cancer
La mécanique d’un piège mortel tendu par un champignon prédateur
Alors comment un champignon peut-il capturer des nématodes ?
Lorsqu’il détecte la présence de ces vers dans son environnement, il initie un processus biologique remarquablement sophistiqué.
Le champignon prédateur commence par augmenter significativement la production de son ADN et de ses ribosomes.
Il s’agit des composants cellulaires essentiels pour la synthèse des protéines.
Cette intensification est cruciale, car elle permet au champignon de construire rapidement les structures nécessaires à la capture de sa proie.
Au cœur de ce mécanisme se trouvent des protéines spéciales nommées protéines enrichies en piège (TEP).
Ces protéines sont exprimées à la surface des structures piégeuses du champignon, comme des réseaux de filaments.
Elles jouent un rôle clé dans l’efficacité du piège, en permettant une adhésion forte et immédiate entre ce dernier et le nématode.
Elles assurent ainsi que la proie, une fois capturée, ne puisse pas s’échapper.
L’importance de ces protéines TEP est mise en évidence, par les chercheurs lorsque leur fonction est inhibée ou supprimée.
Dans de telles conditions, la capacité du champignon à capturer les nématodes chute drastiquement.
Cela démontre que sans ces protéines, les pièges du champignon perdent une grande partie de leur efficacité.
Maintenant, la question qui vient à l’esprit : comment un simple champignon dévore-t-il un ver ?
>> À lire aussi : En cas d’apocalypse, les champignons pourraient bien devenir essentiels à la survie de l’humanité !
Digestion de ce nouveau prédateur
Après la capture réussie d’un nématode, Arthrobotrys oligospora entame un processus de digestion complexe.
Ce champignon utilise des structures filamenteuses, appelées hyphes, pour envahir et décomposer sa proie.
Les hyphes sont des extensions cellulaires qui permettent au champignon de s’infiltrer dans le corps du nématode.
Elles agissent comme des aiguilles microscopiques.
Elles pénètrent la paroi externe du nématode et se propagent à l’intérieur pour accéder à ses nutriments.
L’activation intense des gènes codant pour les enzymes protéases souligne leur rôle crucial dans ce processus.
Ces enzymes sont essentielles pour décomposer les protéines complexes du nématode en acides aminés plus simples.
Le champignon, devenu prédateur, peut alors les absorber et les utiliser.
La protéase agit comme des ciseaux moléculaires, coupant les longues chaînes de protéines en morceaux gérables.
mplications biologiques du champignon en mode prédateur
Cette découverte offre un aperçu fascinant des interactions complexes entre les champignons et leur environnement.
Elle révèle comment cet organisme, apparemment simple, possède en réalité un arsenal biologique sophistiqué pour sa survie.
Cette capacité à s’adapter et à exploiter activement les ressources disponibles, même en changeant radicalement de stratégie alimentaire, met en lumière la diversité et l’ingéniosité des stratégies de survie dans le règne fongique.
Cela ouvre également de nouvelles perspectives pour comprendre comment les champignons interagissent avec d’autres organismes dans leur écosystème.
Suite sur le site...