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https://terra-potager.com/urine-au-potager/L’urine en engrais au potager
par Olivier | 20 Fév 2022 C’est un sujet sensible, pour ne pas dire tabou que celui de l’
urine au potager.
Elle sort de notre corps, elle est rapidement malodorante, tout pour lui mettre l’étiquette d’un « déchet » à vite faire disparaître.
Seulement, quand on est jardinier en quête de richesse du sol, en quête de minéraux naturels utiles à nos cultures, tout ce qui peut contenir de quoi nourrir notre potager suscite notre attention.
Et l’
urine, nous allons le voir, contient de quoi sacrément booster nos cultures.
Alors, regardons tout cela en détail, les gestes et connaissances pour bien la récupérer, la stocker, l’utiliser ou… ne pas l’utiliser.
Si vous souhaitez lire une petit introduction aux engrais, comprendre pourquoi on peut en utiliser (ou non) au potager, nous vous conseillons de venir lire notre article “Engrais au potager, pourquoi en utiliser ?“
https://terra-potager.com/utiliser-de-lengrais-au-potager-pourquoi/?aft=24/L’
urine, un véritable engrais naturel pour le potager
Même si elle contient une énorme majorité d’eau, l’
urine est d’une richesse folle, notamment en azote.
Elle contient de l’urée, une molécule organique très rapidement dégradable qui va se transformer sous quelques jours en azote assimilable par nos cultures potagères.
De très nombreuses études scientifiques comparent des salades pour exemple, dans un substrat avec et sans
urine.
Les résultats sont implacables, une croissance bien plus vigoureuse dans le substrat avec
urine.
Pour rentrer dans les détails chiffrés, un litre d’
urine contient 6g d’azote, 1g de phosphore et 2g de potassium.
C’est autant que des engrais que vous devrez acheter 5 ou 10 € le litre dans le commerce !
Une véritable mine d’or dont on aura du mal à faire plus local.
Alors pourquoi nous ne récupérons pas tous notre
urine, au vu de cette richesse ?
Parce qu’il n’y a pas que des avantages à l’utiliser.
Elle est concentrée en minéraux et des minéraux vite disponibles.
Elle pourrait vite polluer la planète si nous nous mettions tous, d’un coup, à « pisser » sur notre terre.
Aussi parce que parfois nous prenons des traitements médicamenteux qui demandent prudence, nous le verrons.
Enfin parce que l’
urine contient du sel qu’il faut éviter à trop forte dose dans le sol.
Et puis cette odeur qui parfois dérange.
Des précautions dont il faut prendre connaissance et qui incitent à nuancer.
Ainsi, voyons comment utiliser notre
urine au potager, sans condamner le fait qu’elle soit en grande partie collectée via les stations d’épurations plutôt que recyclée dans nos potagers.
Quelle quantité d’
urine utiliser en engrais au potager ?
Aux vues des concentrations en minéraux (6g d’azote par litre d’
urine), il faut bien mesurer nos apports. 6 grammes au m², c’est déjà beaucoup pour des cultures qui ne seront pas trop gourmandes en azote, les légumes racines par exemple.
Un litre suffira largement.
Les cultures les plus assoiffées, notamment les cultures feuilles et les cultures estivales, pourront elles recevoir jusqu’à un litre et demi sur leur durée de croissance.
Au-dessus, c’est souvent inutile sachant qu’il y a toujours une richesse de réserve présente dans le sol.
Inutile d’aller répondre aux besoins des cultures à 100%.
Le sol contient déjà de quoi alimenter nos plants.
Alors même si une culture de tomates a besoin de 20g d’azote durant sa croissance, en apporter 10g sera déjà suffisant dans la grande majorité des cas.
Quand et comment utiliser l’
urine en engrais au potager ?
On pourra apporter l’
urine de 2 façons au potager.
Soit non diluée, mais un peu en amont des cultures pour ne pas aller déranger trop les racines.
Imaginez qu’on vous demande de boire un sirop de grenadine sans eau, c’est un peu le cas pour les racines si vous amenez à votre sol de l’
urine non diluée.
Alors, autant éviter cet apport non dilué lorsque des cultures sont déjà en place.
On apportera ainsi 1 litre une semaine avant de semer des carottes ou un bon litre et demi avant de planter des choux, salades, blettes et autres cultures feuilles exigeantes en azote.
Autre méthode, vous diluez votre
urine x 10 avec de l’eau, par exemple 1 litre d’
urine avec 9 litres d’eau dans votre arrosoir.
Renaud de Looze préconise même une dilution x 20 dans son livre dédié à ce sujet pour y aller très délicatement, éviter toute agression pour les racines (Renaud de Looze – L’
urine, de l’or liquide au potager).
Vous apporterez cette potion magique non pas en amont des cultures, mais pendant la croissance, un arrosoir pour 2 m².
Dans les premiers jours de développement de vos plants en premier lieu, puis un autre arrosage 15 jours plus tard.
Pour les cultures les plus gourmandes, qui se régalent de 15 ou 20 g d’azote au m² (Tomates, aubergines, poivrons, concombres, choux), on pourra faire un troisième apport un mois après plantation pour à nouveau apporter un coup de fouet si vous ressentez que vos plants le réclament.
Vous pouvez aussi valoriser cette
urine sur des plantes vivaces : fruitiers, herbacées comme la rhubarbe, ou encore des fleurs.
Les floraisons de ces dernières seront davantage spectaculaires !
Elle peut également être utilisée pour récupérer une culture victime d’une faim d’azote : l’urée qu’elle contient permettra d’être rapidement assimilé par les plantes.
Enfin, vous pouvez vous en servir pour vos plants : si ceux-ci commencent à montrer des signes de carence et que le temps de la pleine terre n’est pas encore arrivé, vous pourrez les arroser avec de l’
urine diluée à 5%.
Comment récupérer l’
urine pour faire de l’engrais pour son potager ?
Vous vous doutez bien, les garçons auront plus de facilités que les filles, quoi que… Première méthode la plus simple pour vous messieurs, un bidon et hop il suffit de bien viser !
Vous pouvez recycler des bidons de 5 litres, c’est la contenance idéale, ni trop petite, ni trop lourde une fois pleine et assez facile à déverser dans des arrosoirs.
Avec des bidons de 10 litres, vous aurez vite des difficultés à vous en servir sans contrainte de poids.
Des solutions existent pour faciliter plus encore la récupération, que ce soit pour les dames ou messieurs.
Il vous faudra des toilettes sèches.
C’est tout simplement un WC si ce n’est qu’au lieu d’aller dans la cuvette remplie d’eau, les fèces et urines vont dans un seau dans lequel figure déjà une litière absorbante, copeaux de bois par exemple.
Aucun raccordement aux égouts, le contenant du seau est composté dans un composteur pendant deux bonnes années pour ensuite avoir un chouette compost dont on se servira de préférence pour les fleurs, les arbres fruitiers.
Mais problème, dans ce cas on mélange alors l’
urine aux fèces et impossible de la valoriser, la récupérer.
Il faudra donc coupler vos toilettes sèches en intégrant sur la cuvette un séparateur d’
urine.
Cet ustensile permet d’envoyer l’
urine dans un bidon séparé.
C’est très efficace !
Que ce soit les dames ou messieurs, la séparation se fait sans problème et à vous cet or liquide pour votre potager !
Autre solution encore, pour vous mesdames, des « pisses debout » !
C’est peu glamour je l’avoue.
Et étant un homme je manque de pratique !
Mais d’en discuter avec de très nombreuses jardinières, cela peut faire office de bonne solution pour les plus motivées d’entre vous.
Au potager d’Olivier : Je collecte une grande partie de mon
urine directement en bidon ou en passant par des toilettes sèches à séparation d’
urine installées au potager.
Ou sinon tout simplement je « fais pipi » parfois directement dans des bidons.
J’ai tout de même des toilettes conventionnelles qu’on utilise grandement.
Je ne veux pas cette collecte d’
urine comme une contrainte et mes enfants, ma femme, même moi parfois, n’ont pas tous les jours envie d’utiliser des toilettes sèches.
Quoi qu’il en soit, nous aurions trop d’
urine pour fertiliser le potager.
Ma propre collecte suffit déjà aux besoins du potager.
Avec en moyenne plus d’un litre par jour, j’en ai assez pour fertiliser presque 500 m² de culture sur l’année ! bien au-dessus de mes 200 m² cultivés chaque saison.
Alors j’en utilise pour des cultures feuilles, gourmandes en azote, les choux, salades, blettes, épinards pour exemple.
Je fais un bon arrosage quand les plants font 10 à 20 cm, bien 1 arrosoir contenant un litre d’
urine et 9 litres d’eau, cela pour 2 m².
Pour les autres cultures, notamment toutes celles estivales, je le vois à l’œil.
Si tous mes autres apports, composts, fumiers, paillages, suffisent à la bonne croissance des cultures, je n’en mets pas.
Si je vois que ça traîne un peu, je fais un arrosage toujours à l’
urine diluée x 10.
Odeur et importance du sol
Le principal frein à utiliser l’
urine au potager est son odeur assez désagréable.
C’est l’ammoniac qui, en se volatilisant, donne cette sensation peu appréciable.
Et pour avoir fait une fois l’erreur de mettre d’abord l’
urine dans l’arrosoir puis ensuite l’eau, ça mousse, ça « pue ».
Depuis, c’est d’abord l’eau et ensuite délicatement l’
urine par-dessus et là tout va bien.
Aucune odeur ne remonte et le côté parfois « écœurant », personnellement, n’est pas du tout présent.
Reste l’odeur à la récupération de l’
urine.
Il faudra prendre soin à fermer les bidons sitôt la collecte réalisée et l’avantage de récupérer un engrais gratuit prend largement le dessus sur les petits restes d’odeurs qui peuvent subvenir.
Autre situation où l’odeur pourrait être présente, au moment de répandre l’
urine au potager.
Ici vient en compte l’importance de votre sol.
Il est important que celui-ci soit riche de matières organiques plus ou moins compostées pour faire un effet éponge et stocker au mieux l’
urine et les odeurs qui vont avec.
Pour en utiliser même dans ma serre, je peux vous garantir que l’odeur est nulle, 2 minutes après arrosage.
J’ai un sol constamment alimenté de composts, de paillages, qui jouent un rôle d’équilibre avec l’
urine.
On parle de carbone qui vient équilibrer un apport très azoté.
Là aussi Renaud de Looze le dit très bien dans son livre : “Il est fortement conseillé, voire impératif, de lier ses apports d’
urine avec des apports beaucoup plus carbonés.”
On pensera à des amendements ayant du corps, de la structure pour éviter toute odeur, toute déperdition d’
urine par volatilisation ou lessivage.
Sans compter qu’un sol vivant agira comme un filtre à molécules toxiques !
Via l’oxygène, la vie biologique, l’humidité, la lumière, les molécules sont digérées pour rapidement être valorisées en minéraux essentiels bénéfiques à nos cultures.
Stockage de l’
urine pour avoir de l’engrais toute l’année
Une fois l’
urine en bidon, vous n’aurez pas forcément utilité à vous en servir de suite au potager.
Il faudra alors la stocker.
Pensez à recycler des bidons de cinq litres, je vous l’ai déjà dit, ce sont ceux les plus adaptés.
Que ce soit des anciens bidons d’eau déminéralisée, de produit lave-parebrises, etc.
Et stockez ces bidons dans un abri, à l’écart des rayons du soleil.
Évitez de stocker votre
urine dans le sol !
On pourrait se dire d’aller « pissouiller » au potager tout l’hiver avant de mettre les cultures en place.
Seulement la pluie, le temps, vont faire disparaître une bonne partie des ressources et votre
urine risque de polluer les nappes phréatiques plutôt que d’être absorbée par les cultures.
Alors, stockez en bidon dont vous vous servirez au bon moment, juste en amont ou pendant les cultures.
Attention au sel dans les urines
L’
urine contient du sel.
Et à forte dose dans le sol, cela pourrait poser souci aux équilibres naturels, à la vie.
Comme notre corps, à juste dose tout va bien, trop et c’est vite la catastrophe.
Alors quelques éléments jouent pour nous sous nos latitudes.
Tout d’abord la pluie !
Elle lessive les excédents de sels, ce qui fait que l’
urine n’est pas vraiment un souci en France.
En lisant le rapport de l’OMS (1) entièrement dédié au recyclage de l’
urine dans le monde, on peut lire que ce problème survient dans des pays, notamment en Afrique, où l’
urine est fortement utilisée et où la pluie vient parfois à grandement manquer.
Dans ces cas-là, oui, l’utilisation de l’
urine est à réfléchir.
1. Rapport OMS
Autre paramètre en notre faveur, notre régime alimentaire couplé à une industrie alimentaire qui se force (que l’on force…) à utiliser de moins en moins de sel dans ses préparations culinaires.
C’est aujourd’hui un enjeu de santé publique.
Ce qui fait que nos urines, dans la grande majorité des cas, couplées à un climat tempéré avec des pluies, ne posent aucun souci à notre sol si elle est utilisée à juste dose.
Barrières sanitaires
Si on considère parfois l’
urine avant tout comme un déchet, c’est qu’elle peut contenir des résidus toxiques.
Et en France on ne lésine pas avec quelconques risques sanitaires.
Elle peut contenir des résidus d’agents pathogènes, des résidus de médicaments, des résidus de traitements comme la pilule contraceptive.
Et surtout, de loin le plus gros handicap en termes d’exigence sanitaire, l’
urine peut être contaminée par nos matières fécales qui elles, sont bien moins saines et stériles que ne peut l’être l’
urine.
Sitôt qu’il y a contact entre
urine et fèces, on parle de contamination croisée.
C’est pour cela que la « première barrière sanitaire », et de loin, est de séparer l’
urine de nos fèces.
Se présentent ensuite 2 situations, un jardinier qui ne prend aucun traitement et un jardinier sous traitement médicamenteux ou autres molécules non naturelles.
Première situation sans traitement médicamenteux et les contraintes sont minimes.
Vous n’aurez juste qu’à bien récolter votre
urine en évitant tout contact avec les fèces.
Le stockage est même inutile et vous n’aurez qu’à respecter les bonnes doses et le bon timing d’utilisation.
Pensez toujours à l’utiliser sur un sol idéalement amendé, riche, meuble, absorbant comme une éponge.
Deuxième situation, sous traitement médicamenteux, prenez alors la précaution de stocker votre
urine quelques mois.
Les éventuels résidus toxiques seront détruits et vous pourrez alors vous servir de votre
urine.
C’est précisé noir sur blanc dans le rapport de l’OMS : « Après une semaine seulement de stockage en bidon hermétique, une quantité éventuelle de résidus médicamenteux est divisée par 1000 ».
À noter aussi que l’
urine contenue dans les engrais organiques que l’on trouve en jardinerie, est souvent 100 fois plus chargée en antibiotiques que nos urines issues de personnes prenant des traitements médicamenteux.
C’est vous dire tout de même, la marge de sécurité que l’on s’impose.
Alternatives à l’
urine en guise d’engrais au potager
Enfin, il est important de ne pas culpabiliser quelconque jardinier à « devoir » recycler ou non son
urine.
Vous pourrez très bien faire sans et tant pis si cet or liquide fini à 100% en station d’épuration. Vous pourrez trouver la richesse de l’
urine au travers d’autres apports naturels pour votre potager.
On pensera aux composts à apporter en grandes quantités, aux fumiers, aux paillages diversifiés qui, mois après mois, se transformeront en richesse pour votre sol.
Ou sinon reste la solution des engrais naturels tout aussi riches en azote comme le sang séché, la corne broyée, les guanos, les fientes de poules, les farines de plumes…
Quand on est jardinier, nous avons plusieurs cartes en mains pour enrichir au mieux notre sol et à vous de décider lesquelles utiliser selon votre contexte et vos envies.
N’hésitez pas à poser vos questions en commentaires, et à partager cet article autour de vous, cela nous aide beaucoup